On (ne) change (pas) une équipe qui gagne…

Les exemples ne manquent pas et donnent souvent raison à ce proverbe bien connu : « on ne change pas une équipe qui gagne ». Surtout que réussir à construire une équipe qui a d’excellents résultats demande souvent un réel savoir-faire et du temps. Il est donc assez normal de capitaliser sur les ingrédients qui nous ont permis de surfer sur la vague du succès et de récolter les fruits de ses efforts.

Alors pourquoi vouloir en douter dans ce titre un peu provocateur ? Voilà quelques raisons pour en débattre :

1. Après une période ininterrompue d’efforts, s’appuyer sur ce qui marche est somme toute normal et nécessaire. Mais sans le savoir et le vouloir, cela peut aussi signifier relâcher ses efforts sur des actions qui nous préparent à demain et ne pas voir les menaces se profiler. Comment éviter cette possible dérive ?
2. Même si certains fondamentaux sont indispensables à la réussite de toute équipe, les raisons pour lesquelles une équipe gagne sont diverses. Il y a donc lieu d’identifier précisément ses forces et ses faiblesses. Quelle est l’étape de développement de votre équipe ? Que reste-t-il à élaborer et décider pour pérenniser son efficacité ?
3. L’accélération du changement est une réalité dans un monde de plus en plus incertain, instable et complexe. Plus personne n’est à l’abri d’une « ubérisation » qui touche de plus en plus tous les secteurs de l’économie : voir arriver un nouvel acteur ou un concurrent qui réussit à modifier les règles du jeu de son business pour mieux répondre aux besoins et (nouvelles) attentes des clients. Pour ne pas se faire dépasser, sommes-nous capables de nous renouveler quitte à remettre en cause ce qui fonctionne aujourd’hui et qui sera peut-être (sûrement) moins efficace demain ?
4. La révolution numérique est en marche et nécessite d’adapter ses produits, ses services, ses process, ses méthodes de travail et ses compétences si l’on veut rester dans la course. La transformation digitale des organisations est en route et va devenir une nécessité. Avons-nous réussi à impliquer et faire adhérer l’équipe pour réussir les transitions et vaincre les résistances au changement ?
5. Les attentes et aspirations des collaborateurs et des nouvelles générations évoluent, tant vis-à-vis de l’entreprise que de leur manager. La qualité de vie et le bien-être au travail deviennent des éléments clés de l’engagement et de la motivation. Ecoute, Confiance, Reconnaissance, Communication, Coopération, Convivialité et Apprentissage sont quelques-uns des mots clés à retenir. Attirer et fidéliser les talents va devenir un enjeu majeur dans les prochaines années. Et le départ d’un collaborateur (ou du manager) peut avoir un impact non négligeable sur l’équilibre et la réussite d’une équipe. Avons-nous suffisamment identifié nos atouts et nos facteurs de risques sur ces différents critères ?
6. Le manager/leader joue un rôle fondamental dans la réussite de l’équipe car il crée les conditions de la réussite collective et individuelle : partager la vision, donner du Sens, construire le travail collaboratif, s’appuyer sur l’intelligence collective pour imaginer de nouvelles solutions, permettre à l’équipe et à chacun de progresser et de donner le meilleur de lui-même, savoir capter les signaux faibles qui viennent de ses collaborateurs (et des clients) pour anticiper les évolutions, piloter le changement, voilà quelques caractéristiques du portrait du manager de demain. Quel chemin nous reste-t-il à parcourir pour mettre en place de nouvelles pratiques et impulser un modèle de leadership adapté aux nouveaux enjeux ?
7. La nécessité de performance et la pression du reporting peuvent aussi nous contraindre à privilégier les résultats à court terme. Mais prenons-nous suffisamment de temps ensemble pour préparer l’avenir ? Est-ce que nous utilisons les méthodes et les postures les plus adaptées pour donner envie à chacun de s’investir et de se surpasser avec enthousiasme ?

Loin de nous l’idée de sous-estimer l’efficacité d’une équipe qui gagne, bien au contraire. Il est indispensable de continuer à s’appuyer sur l’énergie collective et les points forts, de valoriser les réussites et de reconnaître les contributions de chacun. Mais la véritable clé du succès durable n’est-elle pas surtout la capacité permanente à se réajuster et à se réinventer ?

Philippe SCHODA